Préserver, valoriser, et inspirer : l'engagement du Domaine Amestan pour la sauvegarde de la brebis Bleue de Kabylie et le développement durable
- Je M'engage pour l'Afrique
- 4 oct. 2024
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1) Vous avez créé le Domaine Amestan pour protéger la race de mouton Bleue de Kabylie; tout en lui conférant un intérêt économique. Pourquoi la race de mouton Bleue de Kabylie; est-elle importante pour la région, et comment travaillez-vous avec les éleveurs locaux pour la protéger ?
Effectivement, Domaine Amestan est une structure qui a pour objectif de préserver et valoriser le patrimoine biologique de la région. Ayant une formation agricole orientée particulièrement vers les productions animales, préserver cette brebis locale était une évidence pour moi. En tant que laiterie artisanale, nous cherchons a promouvoir une certaine agriculture et une certaine recherche du goût. La brebis bleue, élevée dans notre région, sera à même de nous proposer un lait exceptionnel a partir duquel on produira un fromage qui soit pleinement l’expression de notre terroir. La brebis Tazegzawt est la race au plus faible effectif du pays, moins de 2 000 têtes.
Les croisements anarchiques sont notamment une menaces pour la race. L’enjeux est donc de promouvoir des élevages en race pure, avec une vocation économique certaine. Ce que nous avons mis en place, c’est un premier partenariat avec un éleveur a qui nous avons remis un troupeau de 10 brebis. En un an et demis, le troupeau s’est déjà agrandit pour atteindre 35 têtes. L’idée est de réitérer cette démarche avec plusieurs éleveurs de la région pour constituer, dans ma commune, un cluster d’élevage de brebis bleue. L’objectif est d’atteindre les 100 têtes en 3 ans.
Ces élevage sont orientées vers la production laitière, conférant ainsi un intérêt économique supplémentaire à l’éleveur, qui, en plus de valoriser l’agneaux pour la boucherie ou l’Aïd, diversifie et augmente ses revenus. Pour la laiterie, l’enjeux est de constituer une communauté d’intérêt autour de la brebis bleue et d’avoir donc, dans un rayon de 5km, un maximum de lait de brebis a collecter. Le fromage à naitre sera donc un formidable étendard pour la région.
Derrière, le cheptel de brebis « Tazegzawt » ( bleue en langue Kabyle ) , présent dans la commune, sera le support de travaux scientifique et technique sur la race. Les éleveurs, eux, auront d’une part plus d’entrées économiques et aussi seront sensibilisés a une certaine réflexion sur leur métier. Toute cette démarche «territoriale », c’est l’ambition du Domaine Amestan dont l’essence est la valorisation des ressources locales.
2) Vous avez également un projet de valorisation du potentiel touristique de la région. Quelles sont vos initiatives pour attirer les touristes dans la région et comment intégrez-vous la préservation des moutons locaux dans l'expérience touristique ?
Nous sommes installés à Azzefoun, une petite commune côtiere de Kabylie. De par sa géographie (mer, plaines, montagnes) et son histoire, foyer de peuplement de la capitale Alger, Azzefoun est une ville qui attire chaque année près de 3 millions d’estivant. Donc les touristes sont déjà là ! Ils sont simplement agglutinés dans les plages et les établissements « touristiques » improvisés. Le manque de décentralisation et l’absence de politiques d’aménagement du territoire font que une commune comme la notre souffre du tourisme plutôt qu’elle n’en profite. L’idée de notre démarche, c’est de venir proposer un tourisme alternatif au tourisme de masse « balnéaire ».
Faire monter les estivants dans les villages, leur faire découvrir la ruralité de la commune d’Azzefoun qui est son essence même, leur faire découvrir les métiers de la terre notamment. Connecter le rural au citadin ! Nos activités d’élevage et de transformation sont de formidables entrée pour un citadin en quête de nature. Randonnée dans la grande forêt de la région ; découverte de la cité antique d’Azzefoun absolument délaissée ; création d’activités ludiques comme le parapente … voici nos ambitions pour promouvoir notre région par sa ruralité !
Pour accueillir les vacanciers, nous installerons deux petites habitations alternatives dans des terrains agricoles, ça sera des habitations légères, en matériaux écologiques, bio et géo-sourcés. Notre ambition ici c’est de créer un cadre de vacances a la fois ludique et pédagogique, un cadre de détente mais aussi de réflexion sur notre empreinte sur l’environnement. Comment se nourrir durablement ? Comment se loger de façon écologique ? Sorte de living lab autour de l’agriculteur et l’architecture.
3) Comment le prix de la fondation Pierre Castel en 2022 a-t-il influencé votre projet et quelles opportunités a-t-il apportées au Domaine Amestan ?
La Fondation Pierre Castel m’a énormément apporté. Étant premier Lauréat en Algérie en 2022, j’ai aussi été le Lauréat le mieux noté sur l’ensemble des pays depuis le début du prix Castel. Ca a été d’abord une confirmation que mes projets étaient porteurs et impactant. Très concrètement, c’est grâce au Prix Castel que j’ai pu financer ce projet troupeau de brebis bleue. En dehors du financement, c’est également une aventure humaine extraordinaire, qui nous valorise aussi dans notre fonction d’entrepreneur. L’ouverture sur l’Afrique a également été très importante grâce a la Fondation.
On a pu faire notamment un voyage en République Démocratique du Congo qui aura vraiment été très inspirant pour moi. On est aussi de fait intégré dans un réseaux panafricain d’entrepreneurs autour de l’agriculture et de l’agroalimentaire et ça nous pousse a plus de réflexion, a plus d’engagement aussi. Pensées toute particulière a Julie Bouchard qui, en tant que DG du groupe Castel en Algérie, a insuffler cette dimension panafricaine autour d’elle et a installé le prix en Algérie. Un prix de plus en plus populaire au pays et qui motive les entrepreneurs a concevoir des projets impactant.
4) Quels conseils donneriez-vous aux jeunes agronomes et entrepreneurs africains qui veulent préserver les races animales locales tout en développant des projets économiques et touristiques durables ?
Préserver une race locale n’est pas simplement un objectif en soi, mais le résultat d’une réflexion plus globale sur l’installation d’un système alimentaire durable. L’adaptation a un milieu est une exigence importante et c’est dans le local et dans la diversité qu’on saura trouver les meilleurs solutions face aux défis posés par le chargement climatique. Aussi, mon seul conseil, s’instruire, se former, rester tout le temps curieux et alerte sur l’ensemble des questions qui touchent à l’alimentation et a l’Entrepreneuriat. C’est la un d’une réflexion globale et holistique, avec un contexte territorial bien défini, qui va faire naître un projet impactant et inspirant. Les défis seront ensuite énormes et il faut être lucide là-dessus, mais là conviction derrière un projet pareil lui confère sa force, et il ne faudra pas lâcher.





