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Nechfate : Sensibiliser autrement aux enjeux environnementaux au Maroc

Dernière mise à jour : 8 avr.


Mohamed Ali Hatimy
Mohamed Ali Hatimy

Face aux défis climatiques croissants, comment sensibiliser efficacement les citoyens et les décideurs aux enjeux environnementaux ? C’est le pari de Nechfate, un média engagé qui vulgarise les problématiques écologiques en s’appuyant sur des analyses critiques et des données scientifiques. Mohamed Ali Hatimy, ingénieur agronome et membre actif de l’initiative, revient sur la genèse du projet, l’urgence de repenser la gestion de l’eau au Maroc et les défis d’une sensibilisation éclairée.


1-  Pour commencer, pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs ?


Je m’appelle Mohamed Ali Hatimy, j’ai 26 ans et je suis marocain. J’ai grandi entre Casablanca et le milieu rural marocain, puisque mon père possède une exploitation agricole dans le sud de Casablanca. Très jeune, j’avais l’ambition de devenir ingénieur agronome pour comprendre comment produire de manière plus efficace. Pendant mes études à AgroParisTech, j’ai réalisé que les solutions techniques en agriculture ne sont pas des remèdes miracles et qu’il y avait une large palette de leviers pour soutenir une agriculture nourricière et rémunératrice, qu’il s’agisse de solutions agroécologiques au niveau de la parcelle ou de leviers de structuration et de montée en gamme des filières agricoles. Mais de tels leviers sont aujourd’hui largement sous-explorés et sous-financés et c’est pour cela que j’ai orienté mon parcours à Sciences Po vers le développement et les politiques publiques.


2- Quelles ont été les motivations derrière la création de votre média Nechfate de sensibilisation environnementale au Maroc ?


Le média est né en 2023 de l'initiative de quatre jeunes marocain.es, au départ pour vulgariser les enjeux du changement climatique au Maroc. Quand ils m'ont contacté pour apporter ma vision en tant qu'ingénieur agronome, la sécheresse, qui dure maintenant depuis six ans, était déjà devenue une préoccupation publique majeure, le Maroc ayant une économie très vulnérable aux variations des précipitations.. Parler de la crise hydrique a participé à nous faire connaître rapidement car il s’agissait d’une problématique concrète qui parlait à tous les marocains. Mais nous produisons un contenu bien plus large, en essayant de couvrir les sujets écologiques de façon concrète et c’est comme cela que notre média s’est fait une place et participe à imposer le sujet des changements climatiques dans le débat public marocain.


3- Quelles solutions proposez-vous aux pouvoirs publics pour une meilleure gestion des ressources en eau ?


Le Maroc a toujours accordé une grande importance à la gestion de ses ressources hydriques.Mais la demande en eau a explosé ces 30 dernières années : les surfaces irriguées ont doublé, majoritairement par l’exploitation des eaux souterraines et grâce à de généreuses subventions publiques. La promotion et la subvention de solutionstechniques, comme le goutte-à-goutte, présentées comme miracles, n’a pas enrayé la surconsommation d’eau en absolue. Et on évalue aujourd’hui à 3 milliards de mètres cubes, soit 3 fois le lac d’Annecy, ce qui est pompé en trop dans nos eaux souterraines. Il est donc plus qu’urgent de combiner à ces solutions techniques des politiques de régulation d’accès et de consommation des eaux souterraines. 


Dans d’autres régions, comme en France ou en Californie, ces pratiques sont déjà en place. Pour une gestion plus équitable, les restrictions ne doivent pas seulement s’appliquer aux petits et moyens exploitants mais aussi aux grandes exploitations qui consomment d’énormes quantités d’eau pour des cultures à forte valeur ajoutée mais qui ne participent pas à l’autonomie alimentaire du Maroc, comme les avocats ou les agrumes, destinées à l’exportation.


4- Quels obstacles rencontrez-vous dans votre travail de sensibilisation ?


Au Maroc, l’idée qu’une solution technique peut résoudre tous les problèmes est très ancrée. Par exemple, le dessalement de l’eau de mer est souvent présenté comme une panacée, sans qu’on n’en discute les inconvénients. Pourtant, cette technologie a des effets néfastes sur les écosystèmes marins, un coût énergétique élevé, et elle reste beaucoup plus coûteuse que l’eau des barrages. Ces limites ne sont presque jamais abordées dans le débat public, car il est souvent simplifié autour de solutions « miracles » qui servent parfois plus les intérêts économiques en place qu’elles ne répondent aux véritables besoins de la population. Notre objectif à Nechfate est de présenter chaque levier, chaque politique publique avec un prisme d’écologie critique, qui va aborder le sujet des externalités sociales et environnementales, pour qu’on arrête d’engager tous nos moyens publics vers des solutions dont on dira dans 10 ans qu’elles ont été sous-optimales ou ont engendré des désastres environnementaux.


5- Comment mesurez-vous l'impact de votre média ?


En deux ans, nous avons atteint 10 000 abonnés sur LinkedIn et Instagram, nos deux principales plateformes. Sur Instagram, nous touchons un public jeune et arabophone, tandis que sur LinkedIn, nous avons une audience plus francophone faite de cadres et d’ingénieurs. Nous rencontrons un succès certain car notre média est très novateur dans sa démarche d’écologie critique et traite de problématiques comme le changement climatique mais tout en restant très concret. Certaines de nos vidéos ont atteint les 400 000 vues et nous sentons que nous pouvons faire bien plus et toucher un public bien plus large en maintenant nos efforts et en structurant davantage notre groupe.


6- Quels sont vos projets et ambitions pour l'avenir du média  ?


À long terme, Nechfate pourrait prendre différentes formes : média en tant que tel, think tank, bureau d’études... Mais avant de réfléchir un horizon lointain, nous avons décider de structurer notre équipe en association, et notre objectif est de professionnaliser notre fonctionnement. Nous voulons continuer à toucher un public toujours plus large, tout en restant fidèle à notre mission de sensibilisation et d’information sur des sujets environnementaux complexes.


7- Merci beaucoup pour cet échange et pour votre engagement !


Merci à vous pour l’opportunité de partager notre travail. Et nous souhaitons que notre initiative puisse inspirer d’autres groupes de jeunes comme nous en Afrique où nous observons des problématiques similaires et une prise en main insuffisante et sous-optimal par les pouvoirs publics. La société civile africaine a un immense rôle à jouer pour mieux orienter les efforts de notre continent vers une adaptation climatique réelle et qui ne laisse personne de côté.


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