Iliass Tanouti : l’espace, un levier stratégique pour l’avenir de l’Afrique
- Je M'engage pour l'Afrique
- 28 mars
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 avr.

Iliass, votre nom circule de plus en plus dans les cercles de l’aérospatial africain. Pour ceux qui vous découvrent, pouvez-vous nous retracer votre parcours et ce qui vous a mené à vous engager dans cette industrie ?
Mon parcours commence à Tanger, au nord du Maroc, où j’ai grandi avec une passion pour la Formule 1. C’est en découvrant que la plupart des ingénieurs en aérodynamique en F1 avaient une formation en aérospatial que j’ai choisi d’étudier l’ingénierie aérospatiale à l’Université de Manchester. Là-bas, ma passion pour la F1 s’est étendue à l’aviation, puis assez rapidement à l’espace.
Mais ce qui m’a vraiment marqué, c’est un stage chez Thales Alenia Space. Après seulement deux mois, j’ai su que c’était ce que je voulais faire. C’était un monde fascinant à tellement de niveaux : la complexité technique qui exige une coordination parfaite entre différents systèmes pour survivre dans un environnement extrême, la science qu’on peut en tirer – à la fois pour le plaisir de la connaissance, mais aussi pour résoudre des problèmes très concrets sur Terre, dans tous les domaines, tous les secteurs. C’était comme un outil magique, et en plus ludique. Je suis reconnaissant à Andy Bacon, mon manager à Thales Alenia, passionné, curieux, toujours avide d’apprendre. Son enthousiasme était contagieux, et il m’a transmis le goût d’explorer chaque détail de cette industrie.
J’ai toujours eu un intérêt pour le développement de l’Afrique, et ce lien entre spatial et développement était pour moi une combinaison idéale. Mon passage à l’International Space University (ISU) a été une étape déterminante. C’est mon enseignant nigérian Taiwo Tejumola, qui m’a inspiré à m’intéresser aux affaires spatiales africaines et à y contribuer activement. Il a joué un vrai rôle de mentor en ce sens.
Depuis, j’ai eu la chance de travailler dans différents environnements, en Europe et en Afrique, et aujourd’hui je suis chez constellr, où nous utilisons des satellites pour mesurer la température des sols à l’échelle mondiale. Mais ce que je considère comme le plus important, c’est de contribuer à bâtir un écosystème spatial africain qui soit inclusif, souverain, et utile à nos populations.
Vous avez récemment été classé parmi les 10 Under 30 de l’industrie spatiale africaine. Qu’est-ce que cette distinction représente pour vous et pour la jeunesse africaine qui aspire à s’impliquer dans ce domaine ?
C’est toujours agréable d’être reconnu pour son travail, et ce type de reconnaissance me donne beaucoup d’énergie supplémentaire pour continuer à avancer avec passion et engagement.C'est également un engagement. Si mon parcours peut inspirer un jeune, où qu'il se trouve sur le continent, à croire en sa légitimité au sein de l'industrie spatiale, alors l'effort en vaut la peine.
Je pense que notre génération est prête. Nous avons l’énergie, la compétence, l’envie de bâtir un avenir différent. Ce qu’il nous faut, ce sont des espaces pour s’exprimer, des mentors, et un accès aux opportunités.
L’Afrique est encore perçue comme un acteur émergent du spatial. Selon vous, quelles sont les principales opportunités et défis pour le continent dans ce secteur stratégique ?
L’Afrique n’est pas juste un acteur émergent, c’est déjà un acteur engagé – mais avec encore beaucoup de marge pour aller plus loin. Ce qui est fascinant, c’est que les besoins auxquels l’espace peut répondre sont partout : améliorer les rendements agricoles, optimiser l’irrigation, suivre les sécheresses, surveiller les feux de forêts, sécuriser les zones côtières, accompagner l’urbanisation rapide... Ce sont des problèmes concrets, vécus au quotidien, et le spatial peut apporter des réponses puissantes.
L'opportunité est là : créer un secteur spatial africain qui soit profondément utile et connecté aux priorités du continent. Et c’est faisable. On a déjà des talents, des structures, une dynamique. Mais il faut accélérer sur certains leviers : renforcer la formation, structurer les marchés locaux autour de la donnée spatiale, faire travailler ensemble le public, le privé et les centres de recherche.
Et il y a aussi des défis bien concrets. D’abord, le financement : les projets sont souvent dépendants d’acteurs étrangers, avec des cycles courts et des ressources limitées. Ensuite, la souveraineté des données : beaucoup de nos pays n’ont pas encore les infrastructures ou les politiques nécessaires pour stocker, sécuriser et exploiter les données spatiales de manière indépendante. Il y a aussi un vrai besoin de monter en compétence, à tous les niveaux – de l’ingénierie jusqu’à la prise de décision politique.
Vous êtes impliqué dans Je m’engage pour l’Afrique, notamment sur les questions spatiales. Quel rôle y jouez-vous et comment JMA participe-t-il à la vulgarisation des enjeux spatiaux pour le continent ?
Chez Je m’engage pour l’Afrique (JMA), je porte les sujets spatiaux, en lien avec la vision globale de l’association: un développement africain qui soit autonome, inclusif et porté par sa jeunesse. Mon rôle, c’est de montrer que l’espace est un levier de transformation concret, pas une affaire de science-fiction ou de prestige.
Avec JMA, nous essayons de rendre ces sujets accessibles. En créant du contenu, en organisant des débats, en formant des jeunes… L’idée, c’est d’ouvrir les portes. Trop souvent, les questions spatiales sont traitées de manière élitiste, alors qu’elles concernent tout le monde. Quand on parle d’accès à l’eau ou de sécurité alimentaire, on parle de nous, de nos familles, de notre avenir.
Vous avez contribué à l’ouvrage Drawing from Above publié par JMA. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre contribution et sur la vision que ce livre propose pour l’avenir spatial africain ?
Drawing from Above est un projet collectif porté par des jeunes du continent qui ont envie de partager une vision différente du spatial en Afrique. L’idée, c’était de raconter pourquoi et comment le spatial peut être utile à nos réalités, sans filtre.
J’y ai contribué en écrivant sur la construction d’un écosystème spatial africain qui soit réellement au service du développement. Pour moi, l’Afrique peut inventer un modèle plus agile, plus connecté à ses besoins. Pas besoin de suivre ce qui se fait ailleurs à la lettre : on peut faire simple, efficace, et utile.
Ce livre, c’est une invitation à s’y intéresser, à s’y projeter, et à participer dans cette aventure.





