Entrepreneur et diplômé en Génie Civil, Cheikhna Thiam a travaillé quelques années à l’étranger avant de décider de rentrer dans son pays natal le Sénégal et de co-fonder la société Greenmeth Farm SAS. A travers cette dernière il s’est donné comme mission de faciliter le quotidien des agriculteurs Africains en leur permettant de subvenir à leurs propres besoins énergétiques et d’engrais naturel grâce à la valorisation de déchets organiques.
1. Comment évaluez-vous la situation actuelle de la transition énergétique au Sénégal ?
Le contexte d'urgence climatique a fait de la transformation de l'économie mondiale vers un modèle décarbonisé et durable une nécessité. Le Sénégal dispose de ressources considérables en énergies renouvelables et peut donc orienter son développement dans cette direction. Pour répondre à ses engagements climatiques, notamment dans le cadre de l'accord de Paris, le Sénégal a su miser sur les énergies renouvelables pour parvenir au développement durable.
Parallèlement, le Sénégal est en passe de devenir un producteur de pétrole et de gaz. La production de gaz dans le projet GTA devrait débuter au début de l'année 2024, avec des exportations prévues vers d'autres régions du monde.
Dans ce contexte, la politique énergétique du Sénégal se trouve à un moment décisif, et la question se pose de savoir si le système énergétique reposera à long terme sur les énergies renouvelables ou les énergies fossiles.
2. En quoi Greenmeth Farm constitue-t-elle une réponse essentielle à la nécessité urgente de solutions énergétiques autonomes et durables aux agriculteurs, communautés et collectivités locales ?
Lorsqu’on parle d’énergie renouvelable en Afrique on pense souvent au solaire ou à l’éolienne. Cependant un potentiel existe aussi en termes de biogaz notamment dans les zones rurales et isolées. Le biogaz présente de solides atouts pour préserver l’environnement et améliorer la précarité énergétique. Au Sénégal et de manière générale en Afrique la plupart des agriculteurs et des communautés n’ont pas accès à l’énergie. A cette problématique s’ajoute le coût exorbitant des engrais. Face à ces problématiques Greenmeth Farm apporte une réponse essentielle en construisant des installations qui permettent de valoriser les déchets organiques en électricité et en Digestat (engrais naturel). Cette électricité permet d’alimenter des bâtiments réfrigérés pour éviter les pertes post récoltes mais aussi des pompes électriques pour l’irrigation.
Le biogaz est également utilisé pour la cuisson. Nous proposons des solutions rentables et durables qui permettent à nos clients d’une part de dégager une source de revenu supplémentaire grâce à la valorisation de leurs déchets et, d’autre part, de produire une énergie durable et de l’engrais bio.
Nous contribuons à rendre l’agriculture Sénégalaise et Africaine plus résiliente face aux défis de notre époque en proposant un nouveau modèle de ferme productive pour l’amélioration de son indépendance énergétique et active dans la réduction de son impact sur l’environnement.
3. Greenmeth Farm a reçu la certification Climate Launchpad pour son engagement contre les changements climatiques. Pouvez-vous détailler les actions concrètes que vous mettez en place notamment dans le choix d’un mix énergétique orienté vers des sources renouvelables respectueuses de l’environnement ?
Effectivement en 2021 nous avons été certifié par Climate Launchpad (le plus grand concours mondial d’idées vertes), ils nous ont permis d’évaluer et de valider la pertinence de notre idée.
Il faut savoir que dans ce contexte de réchauffement climatique qui secoue le monde sans épargner l’Afrique, des études ont montré que 55 millions de personnes échapperons à la fin en Afrique si on limite le réchauffement à 1,5 degré.
Aujourd’hui nous aidons notre cible:
À valoriser les déchets de son terroir
De produire une énergie renouvelable
De réduire les émissions de gaz à effet de serre
D’améliorer la qualité des sols et de l'air
De produire un engrais naturel et ainsi remplacer les engrais chimiques
De créer des emplois locaux et non délocalisables
4. En quoi l’expérience marocaine et votre trajectoire personnelle, en général, ont été déterminantes dans la conception de votre système de revalorisation des déchets, en réponse à la problématique notamment d’accès aux engrais naturels et à l’électricité ?
J’ai travaillé pendant 4 ans au Maroc avant de rentrer au Sénégal. Cette expérience externe m’a permis de voir ce qui se faisait laba dans ce domaine et un peu partout dans la sous-région.
Cela m’a permis globalement de me former et de préparer mon retour au Sénégal même si le contexte était difficile car je suis rentré au Sénégal en plein COVID.
5. Votre entreprise regroupe en son sein des professionnels revenus dans leur pays d’origine, le Sénégal, afin de mettre à profit leur expertise. Comment s’est passée votre implication surtout en période de Covid ?
Finalement, la Covid n’aura pas été qu’un déclic pour nous donner le courage de rentrer au Sénégal et de franchir le pas. Franchir le pas pour aller chercher ce qui nous manquait le plus : du sens.
Ce n’était certainement pas en 2020, 2021 qu’il fallait prendre des risques, on se trouve toujours de bonnes excuses pour ne pas quitter sa zone de confort. La réalité est que quand on est rentré, on ne savait même pas ou commencer d’autant plus qu’on ne connaissait pas l'écosystème entrepreneurial sénégalais.
Il nous fallait très vite nous adapter. Ce n’était pas facile mais nous étions convaincus qu’il était possible de ‘’tok fi, tekki fi’’ (rester ici et réussir ici). Ce mindset a guidé tout notre parcours mais ce qui a été le moteur c’est le fait d’être en action. On ne peut rien réaliser sans action. On peut avoir 1000 bonnes idées tant qu’on ne passe pas à l’action, on ne va rien réaliser. Sans action on ne peut rien entreprendre.
