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Un regard sur le parcours d’un entrepreneur avec Arlande Aroukoun

Dernière mise à jour : 20 nov. 2024

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Pour commencer l’interview, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ? D’où venez-vous ? Où avez-vous grandi ? Pourquoi avez-vous choisi de consacrer votre vie professionnelle à l’espace ?


Né au Bénin en mai 1987, je suis arrivé en France à l’âge de 5 ans. J’ai effectué la majeure partie de ma scolarité et de ma carrière professionnelle en France. Ingénieur en marketing et distribution, formé au Conservatoire National des Arts et Métiers à Strasbourg (dans l’Est de la France), j’ai eu l’opportunité d’intégrer un réseau d’acteurs engagés dans la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), Sustainable Initiative.

Ces plus de 10 années passées aux côtés d’entreprises réfléchissant à des modèles plus durables ont décuplé mon goût pour l’entrepreneuriat à impact. C’est de cette expérience qu’est née ma décision de co-fonder en septembre 2020 le Think Tank RSE Collective, une plateforme numérique dédiée à l’accompagnement en RSE. Mais c’est à travers la startup EwoSmart que mon intérêt pour les technologies spatiales et les données d’observation de la Terre prend toute sa dimension.


Qu’en est-il d’EwoSmart ? De quoi s’agit-il exactement et quel est le lien avec l’espace ?


EwoSmart, créée en juillet 2021, est une startup qui vise à accélérer la résilience des territoires et à freiner le changement climatique. Notre univers d’applications numériques repose sur trois principaux types de données pour accompagner le développement de villes durables en Europe et en Afrique :

  1. La science collaborative,

  2. Les données d’observation de la Terre (EO),

  3. Les données hétérogènes.

Grâce à l’intelligence artificielle (IA), ces différents types de données collaborent pour fournir à nos utilisateurs le meilleur de la technologie afin de développer leurs territoires.

Nous sommes fièrement incubés au sein de l’Incubateur de l’Agence Spatiale Européenne. À travers notre plateforme Timenok, nous offrons aux acteurs publics et privés une plateforme numérique d’aide à la décision basée sur l’IA et l’analyse d’imagerie spatiale. Cette solution leur permet de suivre et d’assurer le développement de leur couverture végétale.

Demain, avec nos avancées, nous serons en mesure de proposer des diagnostics et des recommandations pour le développement végétal des territoires, en lien avec l’identification des îlots de chaleur et des ceintures vertes (ou "green grid") et bleues, selon les spécificités de chaque pays.


Comment vous est venue l’idée et qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette aventure ?


Quelques faits et chiffres : nos villes occidentales sont trop minérales, étouffantes en été et déprimantes en hiver. Les grandes villes des pays émergents souffrent également d’une densité souvent excessive, aggravée par les effets de leur développement rapide. Au Nord comme au Sud, le changement climatique renforce et accélère la vulnérabilité des villes et leur capacité à être des lieux agréables à vivre.

Si l’on considère que 70 % de la population mondiale devrait vivre en ville d’ici 2050, il devient évident qu’il est urgent de trouver des solutions. Notre solution a été développée en étroite collaboration avec les collectivités locales pour les aider à relever les défis liés à la végétalisation et à la lutte contre les îlots de chaleur urbains. Nous avons déjà pu constater des évolutions significatives grâce à notre approche.


À quel stade de financement se trouve actuellement l’entreprise ? Pouvez-vous nous expliquer le parcours pour lever des fonds pour un tel projet ?


Nous sommes sur le point de lancer les premières ventes de la version 1 de notre plateforme Timenok. Les phases initiales de notre développement ont été rendues possibles grâce aux subventions et prix que nous avons pu obtenir. Pour passer à un nouveau niveau de croissance, notre premier objectif est la commercialisation, suivie d’une levée de fonds prévue au printemps 2024.

Notre incubation au sein de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et d’Aerospace Valley nous offre un accès privilégié à plusieurs mécanismes de financement ainsi qu’à de nombreux appels à projets européens.


L’entreprise est basée en France, mais elle se concentre cependant sur le marché africain. Pourquoi ?

En réalité, nous ne nous concentrons pas uniquement sur le marché africain, mais celui-ci fait partie intégrante de notre zone de vente. C’est pourquoi nous réfléchissons au choix de nos technologies ainsi qu’à l’expérience client et utilisateur, de manière à intégrer les particularités contextuelles et culturelles de ce grand continent.

Étant donné que notre modèle économique repose sur le nombre de licences et la taille des territoires à surveiller, il serait dommage de passer à côté des opportunités qu’offre le continent africain.


Avez-vous des exemples de projets sur lesquels vous travaillez actuellement en Afrique de l’Ouest ou ailleurs ?


Basée sur la participation citoyenne et la science collaborative, nous déployons une plateforme numérique pour la végétalisation participative dans la ville de Cotonou, au Bénin. Soutenue par l’Association Internationale des Maires Francophones, cette plateforme poursuit trois principaux objectifs :

  1. Sociétal : offrir un moyen d’autonomiser les jeunes et les personnes sans emploi.

  2. Économique : renforcer la qualité environnementale des territoires, accéder à des financements pour des projets écologiques, augmenter l’attractivité des territoires et attirer les investissements étrangers.

  3. Environnemental : soutenir la résilience locale face au changement climatique et promouvoir la sécurité alimentaire grâce à des projets de permaculture participative et d’agriculture urbaine.


Le changement climatique et la durabilité sont des enjeux mondiaux qui se manifestent de manière différente selon les régions. Comment adaptez-vous vos solutions pour répondre aux défis et aux besoins spécifiques des villes européennes et africaines ? Avez-vous rencontré des défis uniques dans ces régions ?


Tout d'abord, il convient de rappeler que le changement climatique est principalement la conséquence de l'activité humaine, souvent excessive et mal contrôlée, qui exerce une pression sur l'environnement naturel. Malheureusement, les conséquences du changement climatique touchent un large éventail de secteurs. Notre premier défi a donc été d'apprendre à délimiter notre champ de développement en fonction de notre vision et des besoins spécifiques de nos cibles.

Notre vision s'est toujours concentrée sur les villes et leur capacité à être de véritables lieux de vie. Notre mission tourne autour de la préservation des ressources en eau et du développement du patrimoine végétal des villes ainsi que des écosystèmes naturels dont elles dépendent. Ainsi, notre première décision a été de concentrer notre expertise sur le patrimoine végétal local et sa capacité à restaurer le cycle naturel de l'eau dans un territoire.

Avec ce premier filtre en tête, nous réalisons que selon la géographie, les territoires et leur contexte social et économique, d'autres niveaux de filtrage doivent être appliqués. Beaucoup des problèmes rencontrés par les villes et les régions sont dus à un non-respect des fonctions territoriales de ces zones. Nous avons donc dû choisir les domaines prioritaires à aborder, comme les villes côtières d'Afrique et les défis qu'elles rencontrent face à l'érosion côtière ou aux inondations intempestives, comme à Abidjan, Cotonou ou Douala. Les villes occidentales, elles, sont confrontées à la nécessité d’améliorer la gestion des eaux pluviales dans un contexte où les précipitations sont moins régulières, mais plus intenses.

Là encore, les données satellitaires d’observation de la Terre sont une véritable mine d’or pour comprendre et commencer à modéliser des schémas prédictifs qui aident les décideurs à prendre les bonnes décisions.

Enfin, il a été essentiel de prendre en compte les enjeux sociaux et économiques des différentes régions afin d’impliquer les communautés locales et les citoyens le plus tôt possible dans le processus de réflexion, de compréhension, de choix et de transition écologique. Cela permet d'encourager l'acceptation sociale et la participation du plus grand nombre dans les efforts pour changer les habitudes vers une écologie urbaine.

Nous avons la chance de ne pas être entrés dans ce domaine en tant qu'experts dès le départ, mais d'avoir construit notre expertise à travers l'apprentissage, les erreurs et les découvertes. C’est donc dans notre ADN de procéder par une écoute territoriale, un suivi et une observation intense, pour tester avant de prendre une direction. Cela nous a permis de mettre en place notre programme "Végétaliser l'Espace Public", qui invite tous les acteurs de la ville à participer à la réflexion et à la construction de l'écologie urbaine de leur cité. Après un mois de travail à Cotonou, au Bénin, nous sommes revenus avec une richesse de connaissances et d’idées qui ont été reprises par des villes françaises souhaitant utiliser ce travail comme base pour tester le programme dans leurs propres territoires.


La collaboration avec les autorités locales et les parties prenantes semble essentielle pour votre mission. Pourriez-vous nous donner un aperçu de la manière dont vous vous engagez avec ces partenaires et de la façon dont leurs contributions participent au succès de vos projets ?


Les villes et les autorités locales ont toujours été de très bons alliés pour les phases dites de « laboratoire », pour la conception, l'expérimentation et l'amélioration. La meilleure manière pour nous de les engager est de les inclure dans le processus de réflexion dès le départ, de travailler sous leur égide pour mobiliser les parties prenantes de leur territoire, et ainsi construire avec eux la solution qu'ils pourront tester et développer eux-mêmes. Il s'agit d'une sorte de solution « sur mesure » qui peut ensuite être industrialisée.

Notre programme "Végétaliser les Espaces Publics" a été conçu de cette manière et répond à trois principaux défis identifiés par les villes et les citoyens eux-mêmes :

  1. Accompagner les changements de pratiques par la sensibilisation et la formation.

  2. Permettre aux individus d’accéder aux métiers de l’environnement de manière locale et non délocalisable.

  3. Mettre en réseau les acteurs pour encourager les partenariats et les synergies au niveau local, et ainsi créer un impact global.


Ces engagements permettent de garantir que les solutions apportées sont non seulement adaptées aux besoins locaux, mais également durables et inclusives, renforçant ainsi l'adhésion et la participation des communautés locales.


Comme vous l'avez mentionné, vous prévoyez une levée de fonds au printemps 2024. Quels sont vos objectifs et attentes pour cette levée de fonds ? Y a-t-il des types d'investisseurs ou de partenaires particuliers que vous souhaitez attirer pour soutenir la croissance d'EwoSmart ?


Concernant la levée de fonds, nous avons décidé de revoir notre stratégie pour intensifier les travaux de recherche que nous avons déjà entrepris et nous appuyer davantage sur nos clients. Il existe un besoin en matière de recherche et de développement dans la gestion des espaces verts que nous n'avions pas identifié au départ. Nous souhaitons y consacrer le temps nécessaire. Entre-temps, nous souhaitons vendre nos solutions qui sont déjà prêtes pour le marché, comme le programme de végétalisation participative ou la solution développée avec nos partenaires sur la composante de la sérénité urbaine.

Nos objectifs pour cette levée de fonds sont de nous permettre de poursuivre cette recherche et développement, tout en renforçant notre présence commerciale. Nous cherchons des investisseurs qui comprennent les enjeux environnementaux et l'importance de l'innovation durable dans la gestion des espaces urbains. Nous sommes particulièrement intéressés par des partenaires stratégiques dans le secteur de l'environnement et des technologies, mais aussi par des acteurs financiers qui partagent notre vision d'un avenir plus résilient et durable pour les villes.


Lever des fonds pour une startup peut être une tâche intimidante. Pourriez-vous partager quelques-unes des principales leçons ou perspectives que vous avez acquises au cours de votre parcours pour sécuriser des subventions et des prix pour EwoSmart ? Quels conseils donneriez-vous à d'autres entrepreneurs qui cherchent à obtenir un financement en phase de démarrage pour leurs projets ?


En réalité, j'observe principalement mes collègues qui traversent aussi cette phase. Je suis l'environnement des investisseurs, et je me demande sincèrement si c'est vraiment la manière dont nous voulons financer le développement de notre solution. En effet, les investisseurs français sont prudents, et il semble qu'ils soient encore réticents lorsqu'il s'agit de GreenTech. Le meilleur investisseur reste le client, qui attire ensuite les investisseurs.

Mon conseil aux autres entrepreneurs serait de se concentrer sur la validation de leur marché et la preuve de la demande avant tout. Il est essentiel de démontrer que votre solution répond à un besoin réel et qu'elle peut générer de la traction. Les prix et subventions sont des outils précieux pour valider votre projet et renforcer votre crédibilité, mais ce sont vos clients qui, à long terme, joueront le rôle clé pour attirer d'autres financements. En d'autres termes, il est crucial de se concentrer sur la création de valeur pour vos utilisateurs dès le début, car ce sont eux qui valideront votre modèle économique et vous ouvriront les portes des investisseurs.


Avez-vous des réflexions finales à partager avec nos lecteurs ?


La préservation et la disponibilité des ressources en eau est une problématique qui touche tant les pays occidentaux que les pays émergents. Combinées à la volonté de développer des forêts urbaines, des îlots de fraîcheur et de biodiversité dans les villes, ce sont ces enjeux que nous abordons depuis le début.

En conclusion, je dirais qu'EwoSmart est née d'une volonté de répondre aux défis de la résilience urbaine face au changement climatique. Nous sommes convaincus que les solutions innovantes que nous développons, en collaboration avec les acteurs locaux, sont essentielles pour créer des villes plus durables et vivables, où les citoyens peuvent s'épanouir tout en préservant notre environnement.


Comment pouvons-nous garantir que les villes restent des lieux désirables où vivre face aux changements climatiques tels que nous les connaissons ?


Cela nous a conduits à développer notre expertise en patrimoine environnemental et en restauration du cycle naturel de l'eau à l'échelle locale. Nous avons ainsi choisi de nous appuyer sur les technologies d'observation de la Terre et la télédétection. Depuis le début, nous avons misé sur la participation citoyenne comme levier pour augmenter notre impact, et nous nous engageons à intégrer l'intelligence collective et la participation des citoyens comme pierre angulaire de la pertinence de nos solutions et de notre univers technologique.

Si nous pouvons changer les villes, alors nous pouvons changer le monde. Le changement des villes se fera avec et par leurs citoyens. La technologie et nos solutions sont des outils au service de cette ambition.


Arlande Aroukoun  CEO at Ewosmart and Co Founder Wafhi.com

 
 

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